jeudi 18 août 2011

ENTRETIEN AVEC MOR TALLA SOW ALIAS PER BOU KHAR


S’il y a un artiste qui est dans le cœur des sénégalais c’est bien Mor Per bou khar. Il s’invite dans nos salons sans frapper à notre porte et nous fait rire à volonté. Cet artiste au grand cœur a bourlingué un peu partout et a pratiqué plusieurs métiers avant de se révéler au public sénégalais. Entretien avec l’homme qui estime avoir le théâtre dans le sang.

Qui est Per bou khar ?
Je me nomme Mor Talla Sow, un artiste sénégalais né à Ngoumba Guéoul prés de Kébémer dans la région de Louga et a  grandi là-bas. Je suis maître dans l’art de faire rire les gens et de les rendre heureux. Je suis de petite taille (1,60m), mais grand par l’esprit. J’ai l’abord facile et très disponible pour les autres. Je suis marié et père de deux mignonnes petites filles
Pourquoi on vous surnomme Per bou khar ?
Vous savez chez moi à Guéoul, il y avait un vieux du nom de Baye Moussa Sene, il faisait ce qu’on appelle le takhourane et chantait pour les Chérifs à Ngoumba. Il avait sorti une chanson qui s’appelle Per bou khar.
(Il chante) takhe tambal guissi ndande sawrama sadio bare, ni ridékouk dakhe tayko sisa bopou say tégne ni gnalagne. Li dongue guéne nima yama ? Hey per bou khar yawa. Cette chanson me plaisait beaucoup et j’ai tout fais pour le mémoriser.
Un jour j’avais un programme à Kébémer et j’ai ouvert par cette chanson. Tout le monde a aimé. A l’époque on m’appelait Mor mais un dj du nom de Alba dans une de ses publicités m’a appelé Mor Per bou khar et c’est de là que le nom est parti. Mais c’est à cause de l’émission Safli Mafli lépe de Mamadou Ndoye Bane sur Océan Fm que le nom de Per bou khar est connu de tous. Je tiens beaucoup à ce nom.
 
Dans quel milieu avez-vous grandit ?
Je suis né dans un milieu où les gens se respectent et aiment beaucoup travailler, dans une famille très pieuse. C’est pourquoi les gens m’aiment et m’apprécient énormément parce que mes parents et mon entourage se sont sacrifiés pour que je réussisse dans la vie et leurs prières m’accompagnent partout où je vais. On m’a aussi inculqué le culte du travail bien fait. Je dois travailler d’avantage  parce que j’ai un défi à relever car les gens attendent beaucoup de moi. 
Avez-vous fait des études à l’école coranique et à l’école française ?
Je n’ai pas duré à l’école coranique mais je sais réciter quelques versets par contre à l’école française j’ai arrêté mes études en classe de Cm2 et je me débrouille pas mal dans la langue de Molière. Je parviens à communiquer avec mes interlocuteurs et j’écris bien aussi en français. A l’école je ne passais pas inaperçue même avec ma petite taille, parce que je faisais rire tout le monde et mes camardes de classe s’ennuyaient lorsque j’étais en retard ou quand je ne venais pas tellement j’apportais de l’ambiance à l’école. Surtout lors des interclasses j’assurais le spectacle. A cette époque, je m’énervais trop vite car les gens se moquaient de moi surtout à cause de ma taille.    
J’étais un bon élève mais en classe de Cm2, je n’avais plus l’envie de continuer les études alors j’ai arrêté même avant les examens d’entrée en sixième.
Pourquoi vous avez quitté l’école ? 
J’aimais beaucoup l’argent c’est ce m’a le plus poussé à laisser tomber les études car j’étais trop occupé à acheter des pigeons ou des poules et les revendre au marché hebdomadaires de Géoul qui se tient les lundis.
Je n’ai jamais fait de cours le soir parce que je n’aimais pas apprendre l’après-midi et c’est en ce moment que nous faisions nos transactions où on allait cueillir des noix d’acajou et les revendre. Je faisais tout pour avoir six cents francs (600 frcs) à l’époque ça valait beaucoup. Le fait d’acheter et de revendre, avoir de l’argent me plaisais beaucoup et je ne dépendais de personne. Je réglais mes propres affaires.
Qu’avez-vous fait après avoir arrêté vos études ?
Je me suis lancé dans la menuiserie et je l’ai pratiqué pendant 7ans. Je maîtrise jusqu’à présent les fondamentaux et actuellement suis capable de fabriquer un lit ou une armoire parce que je n’ai rien oublié de ce métier. J’ai par la suite décidé d’arrêté parce que la menuiserie ne rapportais pas gros. Ensuite je me suis lancé dans la vente de poissons avec un parent qui avait des voitures frigorifiques et allait acheter le poisson et il m’avait demandé d’accompagner son chauffeur. J’ai pratiqué ce métier pendant 6ans et par la suite je suis tombé gravement malade, j’ai arrêté. A mon retour à Ngoumba Guéoul, il y avait des amis qui étaient des tailleurs, je rendais tous les jours dans leur atelier pour discuter et boire du thé. A force de les côtoyer, je suis devenu un très grand tailleur et jusqu’à présent j’excelle dans ce domaine.
Quand avez-vous démarré à faire du théâtre ?
Je tiens à préciser que le théâtre a beaucoup influé sur ma vie parce que c’est à cause de lui que j’ai mis un terme à bon nombre de mes activités. J’ai le théâtre dans le sang Dans les années 1990, je faisais le tour des écoles pour faire des prestations lors des fêtes de fin d’année et ensuite j’ai intégré la troupe théâtrale de notre quartier avec qui j’ai visité tout le Sénégal. Comme tout jeune sénégalais je raffolais des théâtres du mardi qui passaient à la télévision nationale et les grands artistes comme Moustapha Diop, Ndiaye Doss, Babou Faye et Djiby (birima) m’ont beaucoup inspiré. J’aimais beaucoup Babou Faye parce qu’il était très naturel et c’est à cause de lui que j’ai persévéré dans le théâtre.
Comment vous êtes vous signalé au public sénégalais ?
J’étais dans l’atelier de tailleur d’un de mes amis, chaque fois on faisait des veillées nocturnes tout en écoutant l’émission Safli Mafli lépe de Mamadou Ndoye Bane sur Océan Fm. J’appelais au téléphone tous les vendredis pour faire des contes que les gens aimaient beaucoup. Un jour Mamadou Ndoye Bane que je ne remercierais jamais assez m’a invité au studio à Dakar, alors j’ai fais le déplacement à la radio avec Mansour Mbaye un ami de longue date. Ce qui était ma première émission à Dakar et j’avais vraiment assuré à telle enseigne que les auditeurs ont apprécié. Après l’émission je suis retourné chez moi à Guéoul mais un jour Bane m’appelle au téléphone et m’informe que le directeur de la radio à l’époque c’était Bamba Ndiaye actuel ministre avait besoin de moi car il a eu échos de l’émission que nous avions co-animé le vendredi. C’est par la suite qu’on m’a embauché à Océan Fm avec cette très belle émission qui était unique en son genre et écoutée à travers le monde. 
Le conte qui m’a le plus marqué c’est le gars qui était parti au Magal avec beaucoup d’argent et qui s’est vu dépossédé de son bien par des pic pockets (il éclate de rire). C’est de la que je me suis révélé au public. Mais auparavant, j’ai pratiqué la radio à Louga à la Rts où je faisais le Xaxatay Show, ensuite je suis parti à la radio Dunya de Kébémer, je rejoins par la suite Sunu Fm de Kébémer avant de rallier Dakar pour Océan Fm. 
Vous êtes aussi connu à travers le festival du rire.
Oui c’est à travers ce festival que les gens ont commencé à me voir parce qu’ils n’entendaient que ma voie à la radio.
J’ai eu trois participations successives avec la région de Louga qui m’a sélectionné. On a joué à Kaolack le brigadier le premier jour, le public et même les autorités sont tombés sous le charme de notre prestation. Le deuxième jour nous sommes revenus avec mayma touti, pièce dans laquelle je devais aller faire la cour à une femme que j’aime mais j’avais peur de lui dire. Il a eu un grand succès. Mais actuellement je suis incapable de répéter les mots que j’ai tenus là-bas. Nous n’avons pas l’habitude de jouer au-delà de cinq minutes. Nous faisons des sketches très courts et pleins de sens cela a beaucoup joué en notre faveur.
Qu’est ce qui vous a le plus marqué dans ce festival du rire ?
Deux choses m’ont le plus marqué. La première c’est lorsqu’on m’a nommé révélation de l’année 2010-2011 en me remettant le Douta d’Or à Sorano. Un jour qui restera gravé dans ma mémoire car les plus grands artistes du pays, de même que les plus grands réalisateurs, les scénaristes étaient présents. J’étais le seul qui n’avait pas de concurrents pour cette distinction. Ce fut un grand jour parce que mes parentes et amis de Guéoul, les proches de Kébémer, Louga, Gadafé, Khalmbane et tout les villages avaient fait le déplacement. La deuxième c’était à Diourbel lorsque le régisseur de la prison nous a demandé de venir faire une prestation pour les détenus. C’était vraiment émouvant et les prisonniers eux-mêmes nous ont beaucoup remercié et certains ont témoigné avoir oublié qu’ils étaient en prison durant toute la prestation. Nous étions très fier d’avoir redonné espoir à ces gens qui sont derrière les barreaux.  

Qu’est-ce qui fait la particularité de Per bou khar ?
C’est juste que j’aime ce que je fais et je travaille dur pour atteindre mon objectif. S’il s’agit de porter une jupe ou de monter des seins je le fais pour faire rire les gens. Je suis rigoureux avec moi-même et ce que vous ignorez c’est qu’à chaque fois que termine un tournage je tombe malade, tellement j’y vais à fond. Je ne sais pas faire doucement et tout dans moi joue quand je suis sur scène. Les gens pensent que je parle trop mais c’est le boulot qui l’exige, je peux rester pendant trente minutes à parler sans me taire et quand je dis un mot,  je ne le répète plus. C’est un don de Dieu. Lors des tournages, quand j’ai le corps chaud, il m’arrive de tout casser sur mon passage (verres, téléphones etc.) et cela impressionne mon entourage qui me demande de me calmer. Je vis le théâtre et il m’arrive de pleurer au fond de moi quand je fais rire les gens. 
En plus du théâtre vous avez aussi d’autres facettes.
Beaucoup de gens ne savent pas que suis un grand tambour major. Si vous me trouvez devant un thiole ou un tama vous n’allez pas me reconnaître tellement je n’ai rien en envier aux grands tambours majors. Parfois lors de nos prestations, je suis destiné à battre le tam-tam et de fort belle manière. Aussi je chante trop bien, j’ai une belle voix machalah et aussi j’ai de réelles capacités dans la danse. Un jour ne vous je vais sortir un clip où tout le monde verra ce que je viens de dire. Je suis un artiste hors paire qui sait tout faire. Même pour les contes, j’en ai une multitude et je suis capable de tenir en haleine tout un public avec des contes pendant des heures sans revenir sur un que j’ai déjà donné.

Quels rapports entretenez vous avec les autres artistes ?
De très bons rapports. Ils sont tous mes et je ne vis pas la concurrence avec eux. Pour moi c’est le public qui pense à la concurrence mais elle n’existe pas entre nous. Seune, Baye Ely, Mayacine, Diale, Ibrahima Mbaye Sopé, Sanekh, Serigne Ngagne etc. sont mes amis et m’encouragent beaucoup, j’entretiens de très bonnes relations avec eux, on s’appelle au téléphone et je les admire beaucoup parce qu’ils font bien leur travail. Ils sont des maîtres pour moi dans le théâtre et m’invitent pour la plupart à partager les plateaux et les scènes avec eux.

Comment avez-vous atterrit à la Tfm ?
Le festival de rire de Kaolack avait comme parrain Youssou Ndour et il avait délégué maître Diop qui était le directeur général de futurs médias. Ce dernier a beaucoup apprécié nos prestations et par la suite il nous a invité à la Tfm où nous avons fait des sketches lors de la phase test. Il m’a demandé de venir travailler à la télé où l’on a tourné la série brigadier. Youssou Ndour très disponible à aider les jeunes talents, m’a paraphé un contrat et depuis je me sens bien dans la boîte où toutes les conditions sont réunies pour que nous fassions un bon travail. Youssou Ndour est un modèle et nous devons suivre son exemple, c’est pourquoi nous faisons tout pour répondre à ses attentes. 
Comment vous est venu l’idée de faire le bonus de l’émission Roffo avec les lutteurs ?
Les lutteurs sont des gens sympathiques et sont comme vous et moi. Je vois qu’ils ont l’impression d’être sur une bulle et les sénégalais pense qu’ils ne sont pas accessibles. C’est pourquoi je fais des émissions avec eux pour que les gens arrêtent les préjugés sur les lutteurs et il faut qu’ils sachent faire une distinction entre l’homme et la star.
Celui qui m’a le plus marqué c’est Yawou Dial, je croyais qu’il était plus costaud que moi mais non. Il est très naturel et respecte ce qu’il fait. C’est lui seul parmi mes invités qui porté son Nguimbe et cela m’a beaucoup touché. Modou Lô il me doit ma bouteille pour le séki afin que je puisse clarifier mon combat avec Gouy-gui, il faut que je le batte sinon je ne dormirais pas tranquillement (il éclate de rire). Il me reste aussi à faire des émissions avec les autres lutteurs tels que Tyson, Balla Gaye 2, Bombardier etc.
Per bou khar est-il quelqu’un de branché ?
Oui bien sûr. J’écoute de la bonne musique, je m’informe pour savoir ce qui se passe dans le monde. Je viens même d’acheter un ordinateur pour me connecter à Internet. J’ai ouvert un compte Facebook et en l’espace de trois semaines je suis à cinq mille amis. Je ne veux pas être en reste. Sur le net mes vidéos font partie des dix les plus regardées.
Je compte faire une formation en informatique pour apprendre à manier l’ordinateur car il y a des choses que je ne maîtrise pas encore et seule une formation me permettrais de les savoir. Je veux avoir un site Internet, des blogs et il faut que j’aille me former.
Quels objectifs se fixe Per bou khar ?
J’aimerais vraiment représenter le Sénégal à un festival sur le plan international et c’est de là que les gens verront qui est Per bou khar. Je n’ai pas encore montré toutes mes qualités. Mon plus grand souhait est de réaliser un film avec des blancs c’est là que je vais éclore. Je lance aussi un appel à tous ceux qui veulent devenir des artistes à  beaucoup travailler, être très sérieux et bosser très dur pour se faire son chemin. Je demande à Dieu de nous accorder une longue vie et une santé de fer pour nous permettre de réaliser tous nos vœux. 
Je termine avec ce conte qui parle d’un jeune homme qui avait volé un téléphone portable dans un baptême et l’avala pour ne pas être prit. Mais mal lui en a prit parce qu’il meurt avant de quitter la cérémonie. Il resta sans bouger et quand les gens se sont rendus compte qu’il était immobile, ils le retournèrent dans tous les sens. Le portable volé était dans son ventre et la propriétaire appelait mais en vain. Il a fallu que quelqu’un lui ouvre les yeux et aperçoit 87 appels en absence (il s’éclate de rire une fois de plus. Sacré Per bou khar).  




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